Le greffage est un procédé de multiplication végétative de la vigne, au même titre que le bouturage. La méthode consiste à assembler un greffon de Vitis vinifera sur un porte-greffe au moyen d’une soudure biologique. Différentes techniques de greffage coexistent, et les applications au vignoble sont également multiples. Lorsque la soudure de la greffe est harmonieuse et bien vascularisée, elle n’engendre pas de dégradation tissulaire ni ne crée de zones de nécroses. Les plants de vigne sont alors plus résistants et aptes à se défendre contre les organismes pathogènes.
Il est évident que la pratique du greffage par l’homme a été principalement inspirée par la greffe naturelle. Elle se produit simplement par approche, lorsque deux branches d’un même arbre à force de frottement, finissent par se souder.
Le greffage idéal consiste en un ajustement parfait des tissus cambiaux du greffon et du sujet, sur la plus longue surface possible. Lorsqu’elle cicatrise, la greffe génère un bourrelet de soudure dont l’incidence est capitale, car il modifie à la fois la physiologie et la nutrition du nouveau plant.
Ce bourrelet de soudure constitue un véritable goulet d’étranglement. Lorsque la soudure de la greffe est harmonieuse et bien vascularisée, elle n’engendre pas de dégradation tissulaire ni ne crée de zones de nécroses. Les plants de vigne sont alors plus résistants et aptes à se défendre contre les organismes pathogènes.
Malheureusement, depuis la reconstitution du vignoble par greffage, une considérable augmentation des traitements phytosanitaires s’est avérée nécessaire.
Dans sa publication « La greffe, ses conditions anatomiques, ses conséquences physiologiques et ses résultats génétiques éventuels » parue en 1961, Danielle Scheidecker, chercheuse au laboratoire de physiologie végétale de l’O.R.S.T.O.M. (actuellement l’institut I.R.D.), constate :
« L’intervention chirurgicale du greffage a pour conséquence la formation du bourrelet cicatriciel de soudure. La structure anatomique de ce bourrelet, structure qui déterminera en grande partie son rôle physiologique, varie considérablement d’une greffe à l’autre. Elle dépend de la nature des plantes en jeu, mais aussi de leur âge et de leur stade de développement au moment de l’opération, ainsi que de la technique de greffage choisie ».
Le greffage est une opération stressante pour la plante. Parmi les techniques existantes, certaines sont plus douces, d’autres très traumatisantes. La technique employée influence non seulement le résultat en termes de réussite du greffage mais également la robustesse des plants ainsi conçus. Seules les greffes de qualité, respectueuses du végétal, permettent d’établir des vignes durables.
Dans un bulletin officiel paru en 2002, l’O.I.V. publiait les résultats d’une expertise de la pépinière viticole californienne, pourtant notable et qualitative, portant sur l’étude approfondie de 900.000 plants de vigne (porte-greffes, greffés-soudés…). Ils ont été contrôlés sur leur état sanitaire interne, leur structure et la mise en évidence de maladies. L’expertise a rapporté que la plupart des plants livrés par les pépinières «contiennent une proportion élevée de vignes inférieures aux standards et défectueuses». Étrangement, cette étude n’a eu aucun écho ni retombée. Elle démontrait pourtant que le greffage mécanique des plants de vigne n’est pas si qualitatif qu’il y parait.
La plupart des greffes traditionnelles (fente pleine, fente anglaise, simple ou double), qu’elles soient manuelles ou assistées mécaniquement, sont plutôt faciles à réaliser. Elles donnent de bonnes qualités de soudure à la condition d’utiliser des bois (sujet et greffon) de diamètres identiques ou très proches. En ce sens, elles devraient être réservées au greffage sur table avec calibrage manuel, ou au champ sur de jeunes porte-greffes racinés. Comme toutes les greffes, elles sont tributaires de conditions climatiques favorables. Mais la décapitation totale du tronc, qui exclut le maintien d’un tire-sève, induit la trop fréquente mortalité du cep en cas d’échec du greffage et donc des taux de réussite mitigés.
Les greffes totalement mécaniques, comme la greffe en «V» (fente évidée), en «trait de Jupiter», ou en oméga, peuvent être relativement qualitatives si l’opérateur est bien attentif au calibrage des deux végétaux à assembler, et soigneux dans leur ajustement.Les greffes les plus modernes, notamment celle en oméga, ont pour seul avantage de garantir des cadences et des rendements industriels avec du personnel bon marché et sans formation. Elles consistent toutes en des coupes transversales brutales qui déchirent les fibres végétales et ne permettent pas d’ajustements cambiaux optimaux. Il faudrait pour cela des matériels de même diamètre, mais également de même conformation, ce qui est parfaitement impossible dans le cadre d’une production de masse.
Les greffes «à l’œil» (dites aussi «au bourgeon», ou encore «en écusson») sont des greffes manuelles.
Hautement respectueuses du végétal, elles sont pratiquées depuis l’Antiquité en arboriculture et en horticulture, et plus récemment en viticulture. Elles ont toujours été considérées comme les plus parfaites.
Aujourd’hui, elles sont plus connues sous les noms de greffe en T-bud (greffe en «T») et en Chip-bud (greffe en copeau).
Ces techniques ne génèrent que de petites incisions superficielles sur le tronc, permettent d’optimiser les ajustements cambiaux des sujets et produisent des soudures de qualité.
Peu traumatisantes pour le végétal, elles évitent une décapitation brutale du cep pour, au contraire, conserver un tire-sève. Ce dernier maintient la plante en vie, même en cas d’accident ou d’échec du greffage, et offre la possibilité de regreffer le même cep à plusieurs reprises.
» La greffe en écusson de la vigne, considérée pendant longtemps comme impossible ou comme fort difficile, est aujourd’hui, grâce à la connaissance plus précise du mode d’exécution, un système de greffage de la vigne d’une obtention très facile et donnant lieu à des soudures parfaites.
Il est séduisant au suprême degré; son seul défaut est d’être trop tard venu. Comme il est aujourd’hui, quinze ans plus tôt, il aurait supplanté, dans une large mesure, la greffe à l’anglaise et la greffe en fente pleine. »
M. Alazard, viticulteur-pépiniériste, Montauban,
« La greffe en écusson de la vigne », La Revue de Viticulture, 1896.