Marc Birebent vous répond en sept points
• Après combien de temps peut-on greffer les porte-greffes racinés ?
Tout dépend du matériel que l’on a implanté. En général, c’est entre la deuxième et la quatrième année. L’idée est de laisser le porte-greffe s’enraciner de façon privilégiée.
Nous avons rencontré quelques soucis de reprises qui n’étaient que de 80 pour cent dans des chantiers de greffage en zones septentrionales, notamment en Bourgogne, parce que nous sommes intervenus trop tôt à la demande de vignerons impatients.
Mais la viticulture est une leçon de patience. Il faut savoir attendre une année supplémentaire si l’on veut se donner des plants durables.
• Quel est le diamètre idéal du porte-greffe ? A partir de quel diamètre peut-on intervenir ?
Le greffon, qui est issu d’un sarment de l’année, a un diamètre de huit millimètres environ.
Il faut un sujet environ deux fois plus important pour pouvoir y prélever un copeau aux dimensions du greffon, soit au minimum 15mm. Mais 20mm sont mieux, et 30 plus encore, car cela signifie que l’enracinement est bien établi.
On dit souvent que si le tronc a la largeur d’une pièce de 2 euros, c’est qu’il est greffable !
• Peut-on intervenir sur des pieds plus gros encore ?
Absolument. Il arrive parfois, notamment pour les complantations, que les porte-greffes soient laissés plusieurs années.
Les diamètres de ces pieds racinés sont parfois de 50 à 60 mm, ce qui rend alors possible le greffage en T-bud.
C’est notre technique préférée, car elle permet des greffages plus rapides, plus solides, très fiables, prompts à débourrer et surtout, peu traumatisants.
• Y a t-il une technique adaptée aux cépages à problème?
Le T-bud justement, que je recommande pour le greffage des variétés qui posent des problèmes de dépérissement, comme la Syrah ou le Vermentino (Rolle).
Mais je répète: pour pouvoir intervenir par greffage en T-bud, le porte greffe doit mesurer au moins 40 à 60 mm de diamètre.
• La floraison, date optimale pour greffer à l’œil, est une période où le vigneron a déjà beaucoup de travail. Ne vaut-il pas mieux garder la technique en fente qui peut être pratiquée plus tôt ?
Historiquement, les greffes en fente se faisaient en fin d’hiver parce que c’est une période de calme relatif dans les travaux viticoles.
Mais en intervenant trop tôt, le risque d’échec augmente. Le taux de reprise reste aléatoire. Il est mieux de greffer avec la pleine poussée de sève. Caton, qui conseillait de greffer autour de la floraison, parlait de la greffe en fente. Mais la technique en fente oblige à décapiter totalement le porte-greffe. En cas d’échec du greffage, il faut arracher le plant car il meurt (photo ci-contre).
Seuls les greffages à l’œil permettent de garantir les reprises et de maintenir le cep en vie même en cas d’échec ou d’accident. Quant au problème lié à la quantité de travail: il existe des prestataires de greffage. Mais le vrai problème, c’est que le vigneron ne sait plus greffer lui-même.
Je dis donc: reprenez avant tout en main le végétal et réappropriez-vous la greffe, quelle que soit la technique, pour autant qu’elle soit qualitative et peu traumatisante pour le végétal.
• Comment doit on conserver les greffons avant utilisation?
Autrefois, on les gardait sous terre, dans une cuve ou dans un ruisseau. Mais cela ne suffit pas à bien les conserver jusqu’à la fin du printemps.
Aujourd’hui, c’est un problème mineur. On trouve facilement des chambres froides où l’on peut stocker les sarments jusqu’à la date du greffage.
• Quelle est le problème des clones des porte-greffes?
Leur uniformité. Comme pour les Vitis Vinifera, on est dans l’extrême limitation des choix.
En pratique, seule une quarantaine de porte-greffes dans le monde représentent la presque totalité des plants. Les autres ont disparu.
Prenons l’exemple du 57 Richter. D’après l’ampélographe Galet, il est magnifique (c’est-à-dire vigoureux), résiste très bien à la sécheresse et au calcaire actif. Mais il a une mauvaise reprise au greffage sur table et une mauvaise reprise au bouturage. Il a donc été écarté.
On n’a pas gardé les plants les plus qualitatifs, mais ceux qui correspondaient le mieux aux producteurs de plants, pas aux intérêts des vignerons.