Toutes ces années d’expérience sur le terrain, de voyages viticoles et de rencontres vigneronnes nous ont permis d’acquérir une connaissance étendue de la viticulture internationale, et de développer une réactivité opérationnelle sur tous les continents. Ces échanges sont un atout inestimable pour notre activité car ils nous permettent d’élargir notre savoir et d’apporter une réponse en adéquation avec les besoins des vignerons.
Nous vous partageons ci-après l’expérience de quelques vignerons fiers de leur métier et qui nous témoignent leur fidélité depuis plusieurs années.
Daniel Ravier
Directeur général du Domaine Tempier, Bandol.
« J’ai toujours entendu dire qu’à l’image des hommes, la vigne connaissait trois âges.
Il y a une espèce d’enfance jusqu’à 15 ans, puis une adolescence entre 15 et 20 ans. Après, on peut commencer à parler de vignes adultes qui produisent des vins intéressants. Devoir arracher les vignes à 25 ou 30 ans est donc un non-sens.
Chez nous à Bandol, le principal cépage de l’appellation est le Mourvèdre, très sensible aux maladies du bois. Il nous a posé beaucoup de problèmes. Sauf sur nos vieilles vignes qui avaient été, à l’époque, greffées en place avec la technique du greffage en fente.
Il est évident qu’il y a beaucoup moins de maladies du bois dans les vieilles vignes.
Nous avons donc voulu faire un pas en avant et retourner à un travail un peu à l’ancienne, avec des sélections massales du domaine et greffage en place.
Un porte-greffe long permet de greffer de façon la plus aérienne possible. On obtient ainsi un bon départ de la plante qui pourra être greffée au bout de trois ans en moyenne, parfois plus.
L’année du greffage, on a un sarment plus ou moins développé, et l’année suivante déjà, une vigne en quasi pleine production ».
Rémy Pedreno
Propriétaire de Roc d’Anglade, Gard.
« J’ai créé Roc d’Anglade dans les années 2000. J’ai dû composer avec les vignes que j’ai pu trouver. Du vignoble de dix hectares ainsi créés, un seul hectare était planté de vieilles vignes.
Pour mes nouvelles plantations, j’ai voulu procéder autrement. Comme j’allais perdre des droits de plantations en 2008, je me suis précipité pour planter 7’500 porte-greffes. En 2011, nous avons réalisé, à l’aide de Marc et de son équipe, 840 greffages de sélections massales en Chip-bud sur porte-greffes plantés en 2008. Le taux de réussite a été de 96 pour cent. Nous en avons réalisé 1056 autres en 2012, toujours avec des massales sur porte-greffes plantés en 2008. Le taux de réussite a été de 97 pour cent.
En 2013, nous avons continué avec des sélections massales de Pinot noir. Avec cette dernière expérience, le taux de réussite a été encore de 97 pour cent. Je n’ai pas observé de différences de reprise en fonction du greffon ou du porte-greffe. Du bon résultat, malheureusement j’ai dû décompter trois à quatre pour cent de greffes cassées.
Si j’ai un petit conseil à donner, c’est de très bien attacher les greffes aux tuteurs, car un vent violent peut vite dessouder quelques-unes des plus belles greffes. Il faut être très soigneux sur le suivi des greffes.
Il faut aussi de la main d’œuvre, un plein temps environ pendant deux bons mois, dans notre cas. Nous n’avons par contre pas eu besoin de beaucoup irriguer.
Lorsque nous avons planté les porte-greffes en 2008, nous avions mesuré les racines qui avaient un diamètre de 10 mm en moyenne. En 2014, on était entre 40 et 60 mm de diamètre. Claude Bourguignon, le spécialiste des sols, était venu faire une expertise sur le domaine, il avait trouvé cela extraordinaire! Les racines étaient déjà grosses comme mon pouce, sans aucun rapport avec un greffé-soudé.
Pour que le greffage au champ fonctionne bien, il ne peut y avoir un prestataire d’un côté, un fournisseur d’un autre et un client. Il n’y a qu’une seule équipe, qui travaille main dans la main pour un même résultat: obtenir le plus beau végétal possible. Tout le monde en profitera. Quand je prépare mes porte-greffes, je le fais du mieux possible. Je veux que le greffeur ait du plaisir à greffer.
Même s’il est encore tôt pour se faire une idée définitive du vin issu de ces vignes, je trouve qu’il y a une vraie vitalité, une vraie minéralité. Il y a quelque chose dans le jus qui m’interpelle et qui m’émeut réellement ».
Jean-Pierre Serguier
Directeur général du Château Simian, Châteauneuf-du-Pape.
« En 2014, nous avons planté 4.000 portegreffes racinés, avec l’idée de les greffer nous-mêmes en interne, par greffage en fente. Avec certains cépages, comme les Grenache, Carignan, Counoise, Mourvèdre, nous avons eu de belles réussites. Mais sur le Grenache gris, seulement 50 pour cent des greffes ont pris. Je pense que c’est dû à un problème de greffons, mais qui nous a échappé. C’est vrai que nous sommes des débutants en matière de greffage.
Nous avions fait appel à un «ancien» de 75 ans, qui nous a accompagné et conseillé, mais malgré cela, nous sommes déçus du résultat. Nous avons alors décidé de tirer un trait sur la greffe en fente pleine pour apprendre à greffer en Chip-bud.
Le problème des greffes en fente c’est que le porte-greffe est décapité complètement. Et lorsque la greffe n’a pas pris, on n’a pas d’autres solutions que d’arracher pour replanter ».